L’implicite dans l’enseignement

La carte n’est pas le territoire, ou le système d’attente dans l’acte d’enseigner

Cet article introduit la problématique de l’implicite dans l’acte d’enseignement. La question est de pouvoir déterminer comment capter l’attention des élèves, au-delà de l’intérêt que peut porter l’objet enseigné. C’est pourquoi, si le contenu de l’objet enseigné est explicité, l’implicite a-t-il certainement un rôle.

Quand une personne s’adresse à une autre, elle exprime quelque chose d’elle-même. Son système de pensée[i] provient de son  passé, et se construit au fur et à mesure que le présent se déroule. Quand elle s’exprime, il y a bien un acte qui va de l’in-térieur d’elle-même vers l’ex-térieur d’elle-même. Elle montre ainsi une partie de son territoire, mais pas tout (la carte).  L’autre, celui à qui la première personne s’adresse, a lui aussi un passé dans lequel son système de pensée s’est construit, et un présent qui, au fur et à mesure qu’il se déroule dans le temps, le modifie. Nous avons donc deux vies, deux systèmes de pensées, et deux présents qui se rencontrent ou non, à un moment donné. Dans notre propos, ces deux entités sont l’enseignant et l’enseigné (l’élève). Ils se rencontrent  au moment de l’acte d’enseignement. Nous ne nous attacherons pas ici au contenu du cours (à savoir les mathématiques, la musique, le français) mais au processus de communication qu’il peut y avoir entre deux personnes (l’enseignant et l’enseigné) à partir de leur système de pensée.

Le système de pensée induit une attente. Chaque personne qui communique avec une autre a, de fait, une attente qui est spécifique à sa position dans la relation sociale qu’elle a par rapport à l’autre. Mais aussi dans l’expression de sentiments de satisfaction ou de déception que l’une génère chez l’autre. Prenons un exemple de la vie quotidienne. On a organisé pour vous une soirée surprise, vous accueillez vos amis au fur et à mesure qu’ils arrivent, mais vous en attendez un spécialement. A chaque coup de sonnette à votre porte vous espérez que c’est lui, mais c’est quelqu’un d’autre qui se présente et  que vous appréciez aussi par ailleurs. Vous êtes donc déçu(e) . Le phénomène se produit à chaque fois.  L’ami en question ne vient pas. En fin de soirée, vous n’avez pas profité du plaisir qu’auraient pu vous apporter les autres amis présents. Votre attente a donc créé chez vous une frustration et une déception.

Dans le cas de l’enseignement, il y a l’attente du professeur et l’attente de l’élève. Ces attentes sont de natures différentes si elles concernent les connaissances supposées acquises ou bien  les relations inter personnelles. Il est  donc nécessaire de savoir distinguer d’une part, d’où provient cette attente, et d’autre part, ce qu’elle génère chez l’enseignant ou chez l’apprenant.

Dans le domaine des connaissances, l’explicitation de l’attente[ii] du professeur peut se faire par le langage verbal. L’élève (ou l’étudiant) n’a pas toujours le vocabulaire adapté et de son côté il estime que le professeur est expert en la matière, qu’il lui apportera des connaissances suffisantes en terme de contenu pour comprendre. Sachant cela, il est donc important que l’enseignant soit clair dans son propos, et qu’il identifie lui aussi ce que l’élève (ou l’étudiant) souhaite. Cela peut se faire de façon explicite et verbal.

Les relations interpersonnelles interviennent alors, notamment dans la communication non verbale[iii]. La communication non verbale, peut être décrite à partir des expressions du visage, de la posture du corps. La communication para-verbale correspond aux intonations de voix. La plupart du temps, elles se complètent mais il arrive qu’elles soient en opposition avec le contenu de l’information verbale (les phrases, les mots employés). Pour illustrer ce propos, il suffit de regarder une vidéo sans le son, ou bien de se souvenir des réactions de certains quand ils interceptent un regard et l’interprètent. Il est donc important d’y être attentif quand on s’adresse à autrui, surtout à des jeunes.

Là aussi l’attente des uns et des autres peut être différente, et ainsi la perception que chacun a des actes de l’autre est différente. Il conviendrait donc d’être attentif à ces comportements qui peuvent faire référence à un système de codes social. Par exemple dans notre société occidentale regarder dans les yeux montre que l’on ne ment pas, dans une autre société, il montre que l’on n’a pas de respect vis-à-vis de son interlocuteur quand il est plus âgé.

Sans aller plus loin, nous avons « balayé » des sujets qui visent à observer notre propre pratique. A savoir le système d’attente et un mode de communication qui l’alimente. Les articles à venir seront dans la même lignée et approfondiront dans un premier temps la communication non verbale en l’illustrant.


[i] Fleck, L. (1934 / 2005). Genèse et développement d’un fait scientifique. Paris : Les Belles lettres.

[ii] Brousseau, G. (1998). Théorie des situations didactiques. Grenoble : La Pensée sauvage.

[iii] Winkin, Y. (2000). La nouvelle communication. Paris : Seuil.